TROISIEME DIMANCHE DE CAREME ANNEE: B

(Ex 20, 1 – 17 ; Ps – 18 (19), 8-9. 10-11 ; 1 Cor 1, 22-25 ; Jn 2, 13-25)

Pour avoir beaucoup étudié votre catéchisme dans le temps, je pense que vous connaissez tous vos dix commandements par cœur. Nous allons en parler ce matin.

Le décalogue existe en trois versions. Deux dans la bible et une dans le catéchisme de l’église catholique (les fameux dix commandements). Ce matin nous aurons la première version  porteuse de profond sens spirituel et humain. C’est celui écrit dans le contexte de l’alliance au Sinaï.

Dans le passage que nous entendons aujourd’hui, les paroles de Dieu sont majoritairement négatives. Nous avons seulement deux paroles positives : le respect du sabbat, du Père et de la mère. Or, donner un commandement négatif, c’est interdire un certain nombre de choses, globalement un certain nombre d’attitudes et de comportements qui mènent à la mort ou à l’esclavage. Ces commandements induisent le champ des possibles qui est délimité par les sens interdits. Les commandements bibliques délimitent donc un espace dans lequel nous pouvons inventer notre chemin. Alors qu’avec des commandements entièrement positifs, nous avons à faire un certain nombre de prestations. Nous sommes mis sur des rails, nous sommes d’une certaine manière contraint à suivre le chemin qu’on nous a fixé. En cela, l’expression négative des commandements est beaucoup plus ouverte à une invention libre de notre propre existence au regard de Dieu que les commandements positifs qui contraignent le croyant à vivre de tel ou tel manière.

Soulignons tout de même que la première parole de Dieu n’est pas un commandement. Il se présente à chacun de nous comme un interlocuteur « Je suis le SEIGNEUR ton Dieu,
qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison d’esclavage »,
autrement dit, c’est un Dieu qui se présente lui-même comme un « Je » face à un « Tu ». Nous sommes dans un dialogue qui est typique du cadre de l’alliance. Ce sont des paroles qui sont données pour qu’Israël sache comment s’y comporter. Un « Je » qui s’adresse à un « Tu » mais un « je » qui affirme aussi qu’il a mis ce « tu » en position de liberté : « Je suis le SEIGNEUR ton Dieu,  qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison d’esclave ». C’est un Dieu qui s’adresse à un humain libre, il va susciter sa responsabilité et sa liberté à travers les différentes paroles qu’il va lui proposer. Donner une loi à quelqu’un qui est libre, c’est susciter son autonomie dans les choix qui vont être porteur pour lui. En revanche, si nous n’avons pas cette parole, nous risquons d’avoir une loi d’esclavage : on donne une loi à des gens qui vont être contraint. Dans notre texte d’aujourd’hui, nous avons une loi qui ouvre à la liberté : chacune et chacun peut la  reprendre en son compte.

Ce n’est pas un hasard que la première parole insiste sur le fait de sortir le peuple d’Egypte. L’Egypte, c’est le lieu où le peuple est esclave, où il ne maîtrise pas son avenir, il ne profite pas de son travail, il n’a pas la liberté de ses choix, autrement dit nous sommes devant un Dieu qui nous sort de l’esclavage et qui nous donne une loi pour pouvoir mettre en œuvre la liberté reçue. Un autre élément important, c’est la vie. Le pharaon par peur de son peuple organise une sorte de génocide en faisant tuer les nouveau-nés (petits garçons). Nous voyons là qu’Israël est menacé de mort en plus de son esclavage. Le faire sortir d’Egypte, c’est lui donner la vie et la liberté. Les dix  paroles sont là pour qu’Israël puisse assumer en première personne sa responsabilité de vivre cette liberté,  cette vie que Dieu lui a donné.

 Ce sont des paroles qui nous sont destinées pour accompagner notre libération permanente. C’est une manière très sage de voir les choses ainsi. On n’est jamais libéré une fois pour toute ! On ne choisit jamais la vie une fois pour toute ! D’une certaine manière c’est dans les actes quotidiens qu’on opte pour une attitude, un comportement d’homme et de femme qui cherchent la liberté ou au contraire quelqu’un qui retournera à l’esclavage. D’une certaine manière c’est une loi de libération permanente qui permet que l’acte initial de Dieu (le baptême) pour le croyant et (la sortie d’Egypte) pour Israël puisse être actualisé au jour le jour en évitant un certain nombre de piège qui nous mettrait en esclavage. C’est un texte qui ne nous impose rien. Il parle de liberté et de libération à travers notre agir. Il ne peut pas entraver la liberté, même la liberté de penser. C’est un texte à redécouvrir parce qu’il est recouvert par la poussière. Il met le doigt sur ce qui empêche l’être humain d’aller vers son épanouissement véritable ou de manifester qu’il est un être humain libéré par Dieu.

Le temps du carême est  un temps pour découvrir la richesse et la beauté de ce temple qu’est la Bible, la Parole de Dieu, le commandement du Seigneur. Il y a à détruire et à construire dans toute vie. Quand on s’en rend compte, on s’aperçoit que 40 jours c’est bien peu et qu’une vie n’est peut-être pas suffisante. Mais, quel que soit le temple que l’on édifie, rappelons-nous que la pierre angulaire en est le Christ, mort et ressuscité  pour nous. Que la grâce de Dieu nous accompagne tout au long de ce carême. Amen !

Pierre SONTE, prêtre.

MESSE DE LA SAINTE FAMILLE

(Gn 15, 1 – 6 ; 21, 1 – 3 ; Ps – 104 (105) He 11, 8. 11-12. 17-19 ; Lc 2, 22 – 40)

Frères et sœurs,

 Après la naissance de Jésus, Marie et Joseph accomplissent le rite de consécration des premiers-nés prescrit par la Torah. Cette coutume s’inscrit dans les lois des prémices qui consistent à offrir à Dieu la première part de ses récoltes, de ses troupeaux, de ses enfants. Offrir à Dieu la première part est le signe que nous reconnaissons que tout ce que nous possédons vient de lui. Consacrer son premier-né est une façon d’inscrire l’ensemble de sa famille sous le regard de Dieu.

Marie et Joseph rencontrent à l’entrée du temple un juste appelé Syméon. Selon la tradition biblique, Syméon est le nom du deuxième fils de Jacob qui signifie : « Dieu a entendu ou Dieu a écouté ». Parce que  Syméon était un homme d’écoute, « l’Esprit saint était sur lui ». Ce qui qualifie la foi, ce n’est pas tant la certitude que l’écoute comme l’a dit Paul dans l’épître aux Romains : « La foi vient de ce qu’on entend » (Rm 10.17). Certes pour écouter, il faut croire qu’il y a quelque chose à entendre, mais il faut aussi reconnaître qu’on ne sait pas tout, qu’on a encore beaucoup à apprendre. Syméon n’était pas juste et pieux parce qu’il savait tout, mais parce qu’il n’a pas cessé d’écouter. Du coup, quand il a vu le bébé Jésus dans les bras de ses parents, il ne s’est pas trompé : il a su.

Syméon et Anne n’ont pas eu besoin de la visite particulière d’un ange, ils ont su dès qu’ils ont vu. Une foi accomplie ne repose pas sur des signes spectaculaires, c’est un travail sur soi qui  nous fait voir le monde et les gens comme Dieu les voient.

Dans un de ses livres, Christiane Singer raconte : « Certaines rencontres sont inoubliables – ce vieil homme dans un train qui, lorsque j’avais quinze ans peut-être, me mit sur le gril en me racontant qui j’étais, avec une exactitude presque insoutenable. ″Comment savez-vous tout cela ?″ lui demandai-je en torturant les franges de mon châle. Et lui avec un sourire amène : ″Mais, mademoiselle ! Vous voyez bien que je suis vieux !″ ». « Ce qu’un vieillard assis voit de loin, le jeune homme débout ne le voit pas » nous dit la sagesse africaine.

Frères et Sœurs, fêter la Sainte Famille, c’est se réjouir que Jésus ait pu grandir auprès de parents unis, au milieu de l’amour. C’est aussi chercher ce que nous pouvons faire pour que, dans nos familles, il y ait plus d’amour à l’intérieur, plus de foi en Dieu et plus d’amour envers les autres. « Jésus grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse et la grâce de Dieu était sur lui ». Comment pouvons-nous aujourd’hui à notre tour, parler d’un futur radieux à nos jeunes ?

C’est un peu angoissant pour les parents. Le futur aujourd’hui paraît catastrophique. Parce que d’une période à une autre, ce que l’on construit est détruit. Les êtres que l’on aime s’en vont et la jeunesse passe tellement vite parce que nous sommes vite abîmés dans la violence et la terreur du monde. Au cœur de ces batailles et de ces périodes si douloureuses certains se lèvent et aiment imaginer que la vie va leur ouvrir la porte d’un monde meilleur et qu’ils vont se battre pour cela. Je crois que notre jeunesse a besoin de découvrir le sens et la richesse de la traversée qu’ils auront à faire pour aller au-delà de ce monde qui fait du bruit et rencontrer aux plus intimes d’eux-mêmes le maître de la vie : Jésus. Ils ont une chance incroyable. Ils vont se poser la question de la place de l’homme sur la planète mais avec le gout de la vie alors que notre génération et celle qui nous précède avaient le gout de l’éternité. Nous n’avions pas d’éphémère à protéger. C’est une période parmi tant d’autres. Cette période  peut révéler quelque chose de merveilleux à condition de la porter dans son cœur, comme Marie.

Frères et sœurs, la Sainte Famille a connu des moments de joie et de tristesse. En cette période de crise sanitaire, nos familles connaissent des moments d’allégresse mais aussi des périodes moins reluisantes.

Ce matin, je voudrais apporter tout mon soutien à toutes les personnes qui ont eu le COVID et qui ont mal vécu l’après COVID. C’est une expérience culpabilisante parce que si vous l’avez, l’on dira que  vous n’avez pas fait ce qu’il fallait. Il y a aussi l’isolement qui pour certains est vraiment douloureux. Et quand ils se trouvent en plus à être dans la famille, on se rend compte de toutes les difficultés qu’il y a pour les parents à ne pas embrasser son enfant. C’est une expérience éprouvante. Ensuite, après l’avoir traversé si les autres vous considèrent comme un pestiféré, en ce moment tout devient une épreuve insoutenable. Il y a une frénésie, une peur incontrôlée qui est pire que le COVID et qui fait regarder celui qui a commis  l’erreur de baisser son masque comme un indigne de confiance. Celui qui a contracté la maladie est considéré comme celui qui a péché. On le regarde comme une future bombe.

Essayons de regarder un peu la peur qui navigue en nous et commencer à se dire que derrière le COVID il y a nos peurs. Quand l’un d’entre nous a eu le COVID et qu’il en sort, bénissons Dieu, soyons sympathique avec lui. Que Dieu tout puissant bénisse nos familles, maintenant et pour les siècles de siècles. Amen.

Pierre SONTE, prêtre.

NUIT DE NOËL

(Is 9, 1-6;Ps (95 (96), 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc; Tt 2, 11-14; Lc 2, 1-14)

Frères et sœurs,

Nous voici à Noël ! Aujourd’hui, chaque famille ressent ardemment le désir de se rassembler au complet, pour gouter l’atmosphère unique et irremplaçable  que cette fête  est capable de créer. Dans ce climat particulier qui est le nôtre cette année, je vous adresse mon salut cordial empli de reconnaissance pour tout ce que nous avons vécu ensemble depuis le premier confinement jusqu’à ce soir et pour la rencontre vraie devant le Seigneur Notre Dieu. Il me plait frères et sœurs, que cette rencontre est le prolongement de cette joie mystérieuse, de cette exultation profonde qui emplit la Sainte Famille, les anges et les pasteurs de Bethléem en cette nuit de la naissance de Jésus. Je la définirais comme « l’atmosphère de grâce » en pensant à l’expression de l’apôtre Paul à son jeune frère Tite (Cf. Tt2, 11). L’apôtre affirme que la grâce de Dieu s’est manifesté « à tous les hommes ». Que cette grâce vous habite et féconde toutes vos entreprises. Bonne fête de Noël à chacune et chacun !

Frères et sœurs, en cette nuit très sainte, le Seigneur nous « a prodigué la joie » (Is9, 1) nous dit le prophète Isaïe malgré que nos repères se soient effondrés. L’Enfant de Bethléem n’est pas né dans le bonheur, nous qui le cherchons par tous les moyens aujourd’hui pour notre vie.

Le bonheur : la bonne heure ! Le bonheur est l’accomplissement de notre désir. C’est rencontrer la carte postale qu’on porte en soi. On dit : « c’est l’homme de mes rêves », « C’est la soirée que j’avais rêvé » ce n’est donc pas la surprise… C’est aboutir à quelque chose que j’ai créé et avoir le sentiment que c’est mon heure parce que la vie me donne exactement ce que je veux, ce dont j’ai rêvé.  C’est un état délirant du pouvoir sur la vie. Cela nous oblige à chercher des choses qui ne parlent que de nous.  La joie est à l’inverse.

La joie de Noël est de savoir que  la vie danse avec nous. C’est également, prendre conscience que nous sommes inclus dans la célébration de chaque instant de notre vie, bonne ou moins reluisante comme Marie, Joseph et leur nouveau-né de ce soir.

Cela laisse à penser qu’à certaines occasions, la vie ne nous donne pas ce que nous voulons mais gardons confiance que  ce qu’elle apporte est faite pour nous. Dans les temps qui viennent, ceux et celles qui sont dans l’aptitude de la joie pourront continuer à pétiller avec le monde de demain alors que ceux et celles qui sont en quête du bonheur absolu risquent d’être malheureux.

La joie nous permet de célébrer l’inconnu, la surprise, ce que nous n’avons pas imaginé. Plus notre cerveau est souple, plus notre vie rencontre la joie. Plus notre cerveau est contrôlé, plus il  cherche le bonheur. Le bonheur, comme on le dit : « si tu veux, c’est ta volonté » et cela est très compliqué à obtenir parce qu’il est limité à notre cerveau, à notre désir. Alors aujourd’hui, retenons : Patience, Confiance en la vie et en ses cycles !

Frères et sœurs, chaque année à la célébration de la fête de Noël, la pauvreté de l’Enfant Jésus attire l’attention de bon nombre d’entre nous : « vous trouverez le nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ». Au moment où l’actualité nous parle de la guerre des grands riches contre les pauvres, regardons en nous, où est le pauvre.

Nous avons fait passer le Mendiant pour le pauvre. Il est soumis. On le laisse. On est puissant devant lui. Le pauvre, celui à qui on fait une place à notre table,  retrouve sa dignité. Il rentre dans la maison, il se sent accueilli avec une part. Il sent qu’il a une petite possession qui est à lui. Il n’est pas rien comme le Mendiant. Quand on a mis le mot pauvre, on a créé de la dignité et la place à chacun dans chaque foyer. Quand la porte est ouverte, le pauvre dit à chacun de nous à un moment donné, si tu es dans une impasse, quand la cloche de l’église a sonné midi, tu es attendu, tu peux rentrer dans un foyer.

 Chacun d’entre nous, devons penser à ce qui peut arriver un jour. Le jour où on ferme la porte au pauvre, comme à Marie et à Joseph qui attendent la venue au monde de leur enfant, la vie devient beaucoup plus difficile.

Quand est-ce que le pauvre est devenu fainéant, perdant, celui qui n’a pas réussi à l’école ? Quand est- il devenu une charge, un tricheur avec des allocations familiales à profiter du système, un immigré, celui qui est au-dessous de nous et qui fait que  nous sommes riche.

Voyons la route du pauvre aujourd’hui, c’est la route qui nous divise. Regardons au fond de nous, de chacune et chacun,  combien ce pauvre crée une angoisse. Nous avons peur qu’on nous prenne le peu que nous avons. Alors bien entendu, plus nous montons, plus y a de pauvres. A tous les niveaux, la peur du pauvre est là. Dès l’école, on dit au premier de classe « toi tu mangeras, tu seras riche » et le pauvre celui qui est le dernier, on lui dit : « toi, tu resteras dans la rue ».

Aujourd’hui, nous vivons une crise. On peut savoir que dans toutes les familles, il peut y avoir des gens qui auront besoin. Récréons leur une place, celle du  pauvre sans rien demander en disant: «  tiens, il y a ta place tu peux venir, on sait que ça va passer, c’est juste un coup de main ». Aujourd’hui s’il est le pauvre, demain peut-être ce sera l’un de nous ! Tendons- leur la main, faisons leur une place.

 Si nous rendons la dignité à l’Enfant Jésus, le Pauvre, en le célébrant en ce jour, rendons également  la dignité à chacune et à chacun. C’est mon souhait pour notre communauté paroissiale.

Amen !

Pierre SONTE, prêtre.

QUATRIEME DIMANCHE DE L’AVENT : ANNEE B

(2 Sam 7, 1-5. 8b-12. 14a. 16; Ps 88 (89), 2-3, 4-5. 27.29; Rm 16, 25-27; Lc 1, 26 – 38)

Avant de commencer notre méditation de ce jour,  rappelons-nous les différents thèmes qui ont structurés les trois premiers dimanches. Le premier dimanche nous invitait à la confiance l’un à l’autre, en la vie, en ces cycles  mais aussi et surtout en l’avènement de l’Enfant de Bethléem. Au second, nous devions écouter la voix du Seigneur pour une bonne reconfiguration spirituelle. Il fallait faire le plein d’énergie pour la route. Au troisième dimanche, nous étions au symbole de l’amour : le cœur. Il évoque la personne humaine, son être unique, sa liberté, le don d’elle-même.

Nous voici donc au quatrième dimanche de l’Avent avec l’annonce de la naissance de Jésus par l’ange Gabriel à Marie. Il lui annonce une  Bonne Nouvelle. « Ah qu’ils sont beaux sur la montagne, les pas de ceux qui portent la bonne nouvelle, qui annoncent le salut et la paix » (Is52,7). Après avoir évoqué un état général : la confiance et des éléments de la partie supérieure de l’humain : la voix et le cœur, nous couronnons ce matin notre temps de l’Avent avec une partie inférieure du corps : le pied.

Le pied est d’autant plus méprisable qu’il est éloigné de la tête, du chef. En même temps, c’est lui qui porte tout le poids du corps débout. Il révèle en fait la disposition de l’âme (Pr1, 15). Avec Marie, nous avons le modèle de cette belle disposition de l’âme.

Voilà une jeune fille qui reçoit la visite d’un ange qui lui dit : « Tu vas être enceinte alors que tu n’es pas mariée. Tu seras jetée en pâture aux commérages de ton village et tu seras la honte de ta famille. Mais ne crains pas car ton enfant sera le sauveur du monde. » Qu’est-ce qu’elle répond ? « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. »

Un des enjeux de la vie spirituelle est le grand oui à ce qui arrive. Si l’homme du ressentiment selon Nietzsche se morfond sur son passé et le subit, l’homme libre choisit ce qui lui arrive. Il est disponible pour l’accueil et la gratitude.

Marie est une lumière pour éclairer nos pas sur le chemin de la foi mais aussi et surtout pendant ce temps de pandémie que nous vivons. Elle a traversé elle aussi la morosité, le gris ambiant pour  devenir une résistante.

Je vais vous raconter une histoire, notre histoire et faire un parallèle qui peut-être va nous aider. Au moment de la seconde guerre, la génération qui n’avait pas connu la précédente était exalté et se disait : «  nous allons enfin nous engager ». Ils sont allés s’inscrire sur les listes pour être militaire. Ils étaient dans l’euphorie de gagner la guerre. Quand ils ont commencé à sentir la réalité, ce n’était  plus du tout passionnant.

A la reddition, le fait de sortir avec des contrôles permanent et des couvre-feux donnait l’impression que le monde entier était dans l’anxiété. Cela à transformer les gens d’une façon profonde et ils sont rentré dans ce que j’appelle le gris. Pour certains, dès qu’ils prenaient le métro, ils dormaient. Dès qu’ils sortent, ils sont tendus. Il y a un monde de l’anxiété à l’intérieur d’eux qui ressemble à un marécage dans laquelle ils essaient de survivre. La grande majorité, c’est retrouvé paralysé dans cette marrée de la vie.

Mais certains ont commencé à dire non et ce sont dit que derrière ce gris ambiant il y a encore le soleil. Ils ont commencé à sentir en eux la présence du soleil. Alors que le futur n’existait plus à l’extérieur, que les lois, l’organisation du monde ne correspondait plus du tout à ce qu’on pouvait accepter. Un monde s’est créé en eux. Et il y avait une certitude qu’ils marchaient vers ce monde. Et ces gens ont été les résistants. Eh bien, nous sommes dans la même situation et la bienheureuse Marie aussi. Si vous sentez au fond de vous cette morosité, ce gris venir, je vous assure que vous n’êtes pas dans la dépression. Vous n’êtes pas malade, vous êtes en accord avec cet environnement fou. Et cette anxiété générale vous touche. Pour ceux qui trouvent encore de la saveur, malgré tout on sent une lassitude où un monde qui n’a pas de futur devient un monde  en dépression. Je ne sais pas où je serai en vacance à noël, je ne sais pas si la situation va durer encore, je ne sais pas….  

Le « je ne sais pas », crée une anxiété terrible. « Comment cela se passera-t-il puisque je ne suis pas le chemin des hommes » nous dit la bienheureuse Marie. C’est pourquoi il faut trouver le « je sais », la lumière en soi. C’est l’époque où doit fleurir les résistants qui font apparaître dans cette grisaille un soleil autrement du monde de demain. Essayons de creuser au cœur de notre brume, le soleil que nous porterons un jour avec joie, comme Marie.

Pierre SONTE, prêtre.

TROIXIEME DIMANCHE DE L’AVENT : ANNEE B

(Is 61, 1-2a. 10-11; Lc 1, 46b-48, 49-50, 53-54; 1 Th. 5, 16-24; Jn 1, 6-8. 19-28)

Frères et Sœurs, nous voici au troisième dimanche de l’Avent. Ce dimanche est communément appelé dimanche de la joie. Dans le cantique que nous entendions, la Bienheureuse Marie en glorifiant les multiples hauts faits de Dieu ; ceux qu’il a opérés en elle et ceux qu’il a accomplis dans les nations laisse exprimer la joie de son cœur. D’où le thème du cœur pour notre méditation de ce jour.

Le cœur ne désigne pas seulement un organe physique. Il exprime la personne humaine, son être unique, le centre et la source intime d’où jaillissent ses pensées autant que ses sentiments, sa liberté et le don d’elle-même. La joie du cœur, c’est la joie de l’homme et de tout l’homme. Le cœur est aussi le symbole de l’amour.

En Marie, l’enfant de Bethléem veut révéler à chacun de nous le secret de son cœur, son amour infini pour tous sans exception, quoique nous ayons vécu, quelques soit notre histoire.

Dans l’une de ses prédications au Vatican, le père Cantalamessa a donné une image forte à propos de l’amour du prochain. « Un phénomène a été observé. Le Jourdain en suivant son cours, forme deux petites mers : la mer de Galilée et la mer morte. Mais tandis que la mer de Galilée est une eau grouillante de vie, parmi les eaux les plus poissonneuses de la terre, la mer morte, comme son nom l’indique est une  mer morte. Il n’y a aucune trace de vie, ni en elle, ni aux alentours, seulement du sel. Il s’agit pourtant de la même eau du Jourdain.

La mer morte reçoit les eaux et les retient pour elle. Elle n’a pas d’émissaire, il n’en sort pas une goutte d’eau. La mer de Galilée reçoit les eaux du Jourdain mais ne les retient pas pour elle. Elle les laisse s’écouler pour permettre d’irriguer toutes les vallées du Jourdain. » C’est un symbole, pour recevoir l’amour de Dieu, nous devons en donner à nos frères, à nos sœurs et plus nous en donnons, plus nous en recevons.

Nous nous sentons pauvre dans la réponse que nous apportons à l’amour. Mais ce que nous sommes incapable de faire par nos forces, l’Esprit Saint peut venir le faire en nous. « L’espérance ne déçoit pas » nous dit saint Paul car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous fut donné (Rm5, 5). Et cet amour répandu dans nos cœurs  est agissant, il est puissant et peut nous transformer.

Avec Marie ce matin, nous voulons créer une parenté spirituelle, un lien de famille. Son chemin est un chemin de foi et son cœur est celui du don. Elle accueille son enfant en elle. Elle le met au monde pour le donner. C’est l’icône de la vie Chrétienne. Accueillir le Christ pour le donner modestement. Accueillir et donner c’est la respiration même de la vie Chrétienne. On voit la grandeur de Marie dans la simplicité de l’humilité de son cœur. Elle est comme une boussole.  Dans toute boussole il y a quatre points cardinaux. Donc, il y a quatre mots qu’elle nous donne pour nous orienter dans notre vie.

-Réjouis-toi,  le christianisme est une religion de la joie. Quel que soit la situation que nous vivons, gardons le moral haut, tenons bon, l’espérance doit être la dernière à mourir pour le le chrétien.

N’aie pas peur, Dieu à Jérémy, n’aie pas peur. Jésus à Pierre dans la barque, n’aie pas peur, la paix soit avec vous. N’ayons pas peur, gardons confiance !

 – Oui, c’est l’âme de consentement, qu’il me soit fait selon ta parole. En toute circonstance, ayons foi que la main de Dieu nous guidera.

Magnificat : Parole de louange, d’action de grâce. Tout est grâce. On voit le caractère extrêmement positif du christianisme. C’est avec cette boussole que nous voulons marcher.

Pierre SONTE, prêtre.